Martinique : 'tention, ça va fumer !

Publié le par jeb

Intimement liée à l’histoire des pirates dans la Caraïbe, la cuisson boucanée a pourtant été inventée en Amérique du Sud par les Amérindiens. Aujourd’hui, elle est un mode de cuisson traditionnel dans tout l’arc Antillais.

"Boucan : nom donné à l’échafaud qui permettait d’abattre les arbres à la hache jusqu’à la fin du XIXe. Semble désigner la claie, le grill formé de quatre fourches piquées en terre délimitant un quadrilatère de 1,50 m environ de côté sur lequel on faisait cuire la viande animale ou humaine selon les époques". Telle est la définition exacte de l’encyclopédie de la Caraïbe Désormaux.

 


Le boucan est un mode de cuisson parfaitement adapté aux conditions de vie tropicales. C’est sans doute pour cela qu’il fut adopté bien vite par les premiers colons Français installés en Guyane et au Brésil En effet, enveloppés par la fumée, la viande ou le poisson, se conservaient ensuite durant près de six mois.

Une solution idéale pour les Amérindiens vivant en forêt, le long des fleuves mais aussi pour les premiers arrivants sur les îles de la caraïbe. Cependant, la divulgation de ce mode de cuisson est à rechercher du côté des pirates et corsaires du XVIIIe siècle. En mer, ils ne pouvaient bien sûr pas s’alimenter en viande et ils confiaient donc à des « coureurs des bois » basés à terre la mission de chasser le boeuf, le cochon ou le sanglier. Ces coureurs des bois, qui étaient-ils ? En général d’anciens pirates ayant perdu leur navire lors d’un ouragan ou d’un combat. Condamnés à rester sur la terre ferme, ils vivaient alors de la chasse et sillonnaient les savanes à la recherche des animaux sauvages.

Un mode de conservation privilégié Si les boucaniers partaient chasser avec une meute de chiens, ils revenaient ensuite au boucan chargés de leur viande et du cuir des bêtes. Ensuite, dans une loge couverte de bâches qui la fermaient tout autour, ils plaçaient la viande sur des claies. Au dessous, on faisait de la fumée en brûlant les peaux de sangliers et leurs ossements. Ainsi boucanée, la viande se conservait plusieurs mois, six au maximum. Transportée par les boucaniers sous forme de paquets de trente kilos, la viande fumée était ensuite vendue aux navires circulant dans les eaux de la Caraïbe. Pirates et explorateurs furent ainsi les premiers acheteurs de cette viande boucanée et Espagnols, Portugais et Français en rapportèrent le concept sur le Vieux Continent.
Grâce à ce mode de cuisson, les navires transatlantiques purent ainsi partir plusieurs mois en mer tout en assurant à leur équipage une alimentation plus diversifiée. Fruits et légumes manquaient toujours bien vite mais la viande apportait au moins de précieuses protéines. Au fil des décennies, ce mode de cuisson se perpétua et aujourd’hui, il est présent dans toute la Caraïbe. On ne compte plus les échoppes où le célèbre poulet boucané parfume rues et quartiers. Avec leurs hautes cheminées, leur boucan plus ou moins artisanal, ces boucaniers modernes nous offrent des poulets délicieux. Leur goût incomparable fait le plaisir des touristes et cette petite pause gourmande est un rituel dans bien des foyers Antillo-Guyanais !

A toutes les sauces Si le mode de cuisson au boucan est toujours d’actualité, il est essentiellement utilisé pour le parfum qu’il donne à la viande et non plus en tant que mode de conservation des aliments. Il faut dire que les réfrigérateurs et congélateurs se sont largement démocratisés dans toute la caraïbe en vingt ans ! Aujourd’hui, en lieu et place du barbecue traditionnel, certains artisans locaux proposent des modèles en inox ou en fonte en forme de demi baril. Grâce à leur couvercle arrondi qui vient fermer l’appareil, la cuisson boucanée se fait toute seule. Très pratiques lors des soirées entre amis, ces appareils d’un genre nouveau perpétuent encore aujourd’hui la tradition du boucan. Côté combustible, ossements et peaux ont été abandonnés il y a fort longtemps. On leur préfère désormais le charbon, le bois ou la canne à sucre. Cette dernière est de plus en plus utilisée car elle parfume agréablement la viande ! Et bien sûr, pour accompagner la viande boucanée, chacun y va de sa recette : sauce chien, le plus souvent, sauce aux épices, vinaigrette.

Source : Alix Romain

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J
Je suis étonnée que l'on en trouve encore sur les bords des routes ? En 95-96 cela avait été inerdit. C'est tellement bon !
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J
Et bé non, c'est encore très présent. Preuve que... je savais même pas que cela avait été interdit !!!Bisous.